La dernière création d’Angelin Preljocaj, « Still Life » (nature morte) a été présentée pour la première fois au public du Pavillon Noir d’Aix en Provence, du jeudi 23 au samedi 25 septembre. Egalement au programme de ces soirées, le duo masculin « Un trait d’union », une création de 1989.
Le ton de la soirée est donné. On est dans la folie, climat inquiétant, musique sombre et troublante, et des moments de silence, où seul le bruit des respirations des danseurs se fait entendre dans des tableaux audacieux à couper le souffle.

La pièce nous parle de l’incommunicabilité et on se sent presque enfermés dans le théâtre avec ces deux hommes, meurtris et déchirés, dont on ne saurait dire où ils se trouvent vraiment. Une cellule ? un asile ? Un fauteuil, une chaise pour seul décor. Le premier homme, confiné dans son monde intérieur, arpente son fauteuil. Il se déplace sur le dossier, les accoudoirs, le coussin d’assise, comme s’il faisait les 100 pas chez lui, dans l’attente de quelque chose. L’homme est rejoint par un second, qui vient le bousculer, le déranger, le malmener, l’affronter. On est fasciné par ce moment où, allongé au sol, un danseur s’élance dans les airs, comme si rien ne le retenait sur terre, pour se retrouver dans cette même position couchée, dans les bras du deuxième danseur. Imaginez un plongeon à l’envers.
Deux solitudes se retrouvent enfermées et tous les moyens sont bons pour se dévoiler et pour essayer de s’aimer. On reçoit de plein fouet la force de cette pièce, aux corps à corps très physiques, ses joutes douloureuses autour du fauteuil, qui a son rôle à jouer lui aussi et son mot à dire car il n’offre qu’une seule place. Inévitable retour à la solitude.
Angelin Preljocaj a gardé le secret jusqu’au bout. Habituellement, le chorégraphe donne des pistes. Là rien, jusqu’au jour J ! La surprise fut totale.
La danse, extrêmement marquée par les arts, esquissée comme une nature morte. On entre dans un musée. Pas de décors, la partition sonore suffira. On pousse la porte de la salle des vanités. Ces peintures évoquant le temps qui passe, et voilà « ces œuvres d’art » dansées, ou posées dans le décor, qui nous rappellent qui nous sommes et où nous allons ! Elles vont permettre à Angelin Preljocaj de revenir à des thématiques qui lui sont chères : le temps, justement, que chacun percevra selon sa situation, son humeur, ou sa sensibilité. Le facteur acteur-temps qui permettra d’offrir sur scène des tableaux magnifiquement rythmés, présentés saccadés ou fluides, au ralenti ou en accéléré.
« Still life » est l’occasion encore pour le chorégraphe de distiller intelligemment toutes ces valeurs humanistes, symboliques, philosophiques auxquelles il tient et qui nous le rendent toujours aussi attachant. Il nous propose comme un jeu de miroir ou un jeu de piste, qui, jusqu’aux séquences finales suscitent des interrogations. Chacun d’interpréter à sa façon. Pour la chute, d’aucuns y verront le triomphe de la mort. D’autres donneront au final plus d’amplitude. Les danseurs quittent la scène doucement. La « porte » reste entrouverte. Tout est possible.
La vie, l’activité, la mort, la nature. Des tableaux s’ouvrent sur des corps immobiles, des corps qui semblent sans vie. Puis ils s’animent, guidés par l’énergie de la musique, les danseurs marchent, dansent, sautent, voltigent, et le mouvements s’imbriquent et se fondent les uns aux autres, se font flexibles, élastiques, encore cette notion du temps qui s’étire ou se contracte. Notion renforcée encore par des tic-tac persistants et des sonneries qui grignotent le temps…
Quelles belles images, comme exhumées de notre mémoire. Des solos et des duos parfaitement maitrisés. Pas facile d’isoler les moments forts de cette pièce où tout est parfaitement lié. On retient pourtant cette séquence admirable, qui semblerait tout droit extraite de la mythologie hindouiste, où l’où voit apparaître un Dieu ou une Déesse à plusieurs bras qui portent des objets. Une divinité désarticulée scintillant dans le noir. Des gestes étudiés, précis, des pas qui s’emboîtent dans une danse très technique. Dans chaque séquence, chaque tableau, on apprécie la virtuosité des danseurs.
On peut être quelque peu déboussolé par la musique. De nombreuses ruptures de rythmes, des tempos lents et hypnotiques, des combinaisons étonnantes avec l’électro et les instruments de musique, certes cela contribue à apporter une émotion particulière à plusieurs séquences, mais aussi un peu d’anxiété.
Le tout forme un tableau vivant où s’infiltrent des réminiscences picturales, avec les objets des vanités, le crâne, la chouette, le sablier… Tableau étonnant encore : une boîte blanche en guise de tête ou de corps. On s’y glisse, on s’y perd. Et les danseurs de se mouvoir dans une nature morte surréaliste.
Ici encore, les danseurs assis, pensifs, et dans ce moment de calme méditatif, on songe à Rodin. Interprétation très personnelle, certes, mais ce qui est sûr, c’est que, dans une succession d’images d’une belle étrangeté, la danse se fait peinture….
Une peinture, une nature morte, bien vivante.
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On sort comme d’un long rêve, un rêve qui demeure bien au delà du spectacle. Nul doute, le style Preljocaj est toujours reconnaissable même si on entre, là encore, dans un univers étrange et différent. On est émerveillé à chacune des créations du chorégraphe, par cette belle capacité qu’il a de nous surprendre.
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