Avec Extension Sauvage, la chorégraphe Latifa Laâbissi et la plasticienne Nadia Lauro orchestrent des rencontres mêlant danse et paysage dans le village de Combourg et les jardins du Château de la Ballue. Un jeu de surgissement et de collisions, entre écriture radicale et fantasme collectif. Tour d’horizon.
La danseuse Olga Pericet illumine de sa présence les deux temps qu’elle propose avec une improvisation créée sur-mesure. Construite comme une variation sur le thème de la femme espagnole et de ses multiples facettes, Mujer Espanolajoue avec les clichés ancrés dans l’imaginaire folklorique associé à la danseuse en robe à volants ou à la pieuse éplorée.
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Évoluant sur la scène flamenco qu’elle décrit comme « profondément machiste », Olga Pericet navigue avec espièglerie et puissance entre des figures à qui elle rend aussi hommage. Une pluie de chaussures à talons s’abat sur le plateau, elle s’empare d’un stiletto noir dont elle se fait un tricorne et devient torera, shoote dans un autre et se transforme en footballeuse. Elle s’enroule dans une longue mantille noire et son corps se mue en gravure de mode, sculpture baroque ou pietà.
Sans cesse en transformation, la danseuse désamorce en permanence ce que l’on attend d’elle et de son statut de star absolue de la scène flamenco actuelle. Elle propose des saillies, module sans cesse le tempo et le rythme, à l’aise pour s’amuser de codes qu’elle maîtrise sur le bout des doigts. En prise avec l’instant, elle se nourrit de l’inattendu, répond aux rires des enfants, s’engage dans un jeu piquant avec le public.
Pop culture
En héritière de sa défricheuse de tante, la nièce de Lucinda Childs, Ruth Childs, présente trois soli à l’écriture vive et minimale comme autant d’empreintes d’une passation : celle du matériel chorégraphique des années 1960, époque de la Judson Church à New-York, cœur battant de la post modern dance.
Il y a quelque chose de rafraîchissant et d’inédit à voir ces trois courtes pièces transposées sur le gazon entre les taupières taillées au carré. Debout vêtue d’un justaucorps grenat, Ruth Childs entame une danse articulaire sur fond de bruit de tuyauterie. Puis, elle s’allonge dans un tissu gris élastique qu’elle transforme en baignoire sur l’herbe pour jouer avec les volumes du corps et sa dissimulation (Pastime). Avec un humour dadaïste, elle convertit ensuite une corbeille de fruits métallique en couvre-chef, et son contenu – des éponges colorées – en un masque de mousse fluo déformant son visage (Carnation). Dans Museum Piece, elle invite à entrer dans un tableau pointilliste matérialisé par de gros points de couleur à ausculter.
La malice de Lucinda Childs que Ruth agrémente de son interprétation espiègle et pince-sans-rire confère à l’ensemble un côté pop qui transforme la notion même d’héritage en matière vivante.
Performance psychotrope
Antonija Livingstone et Benny Nemerofsky Ramsay déroulent A method for an applied polyphony comme un rituel de communion dans un espace ouvert et partagé, à la fois inconfortable et accueillant. Une promenade de dimanche après-midi comme on n’en fera jamais ailleurs. Dans les jardins du Château de la Ballue, la performeuse canadienne élabore un songe langoureux et enveloppant, flanquée de complices parmi lesquels Bryan Campbell, Noha Ramadan et un escargot géant (son animal de compagnie).
Libre au spectateur de déambuler entre les ifs et les troènes taillés à la manière d’un jardin des délices du XVIIe siècle agrémenté de cuir et paillettes. Les saynètes se succèdent calmement. Un escargot géant laisse des sillages de bave en se promenant sur un cahier ou sur le visage de sa maîtresse étendue dans l’herbe. Plus loin Bryan Campbell, vêtu d’une combi-short en lycra, entreprend un ballet mécanique avec des gabarits en acier. Derrière un autre bosquet, une créature androgyne équipée d’un enfumoir d’apiculteur distille dans l’air un parfum aux effluves d’encens psychotrope. Soudain, les arroseurs automatiques se déclenchent de concert, aspergeant copieusement ceux qui se trouvent à leur portée dans un entrelacs de sursauts et pas-de-côtés. Une ambiance moite, entêtante et érotique.
La polyphonie s’érige en mode expérimental et horizontal de relations. À l’image du concert de carillons sur l’herbe qui crée une mélodie commune, claire. Ce qu’il y aurait à voir importe moins que l’expérience méditative à laquelle ouvre ces tableaux-paysages. L’esthétique queernimbe un temps qui s’étire dans une étrange douceur.
Rapidement, le sentiment de plonger dans un monde parallèle se fait sentir : le jardin à la française devient un véritable labyrinthe onirique. Vêtus de tabliers en cuirs noir ou blancs, de bottes en caoutchouc ou talons hauts, bas résilles et culs nus, les performeurs s’emparent des atours des jardiniers de château façon fetish. Un air tendre de connivence s’inscrit sur leurs visages, incluant subtilement les spectateurs dans cette chorégraphie de faunes en liberté.
Certains d’entre eux s’allongeront ou s’endormiront sur le gazon de cet univers faussement enfantin qui rappelle celui d’Alice au pays des merveilles. Cette « collection de présences », comme le formule Livingstone, crée une rencontre improbable entre spectateurs du dimanche et performance pointue : une « extension sauvage » toute en alchimie.
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